lundi 26 juillet 2010

L'autre et le monde

Je viens de mettre la Gnossienne n°1 d'Eric Satie pour écrire ce petit commentaire du très beau diptyque de livres de Kim Lefèvre, Métisse Blanche et Retour à la saison des pluies. Il faut parfois un cadre sonore pour écrire, et celui-là correspond pour moi, du moins en partie, au ressenti de la lecture de cette autobiographie. Il y a dans la musique de Satie ce même mélange de mélancolie et de tristesse, allié à une forme d'espérance en ce qui va suivre...
"Batârde", née des amours sans lendemain d'une mère vietnamienne et d'un soldat français, l'enfant tout d'abord, puis la jeune femme auront à lutter contre le racisme et les préjugés. Il s'agit là d'un combat, sans véritable victoire possible, face à la stigmatisation de la différence qu'elle porte à même la peau, seule chose dont il est difficile de jamais pouvoir se défaire.
Son combat, elle le livre au quotidien, dans la maison familiale ou son parâtre l'a reconnue administrativement mais la considère comme une mauvaise graine ; dans la rue, avec les autres enfants, en essayant d'abroger son altérité physique ; dans tous les rapports que l'on dit humain en général, à l'orphelinat, au pensionnat, à l'université ; bien entendu, de manière sous-jacente, il y a aussi une lutte perpétuelle avec elle même. Cette guerre, elle la livre seule contre tous, alors que de loin en loin parviennent les échos parfois violents, parfois étouffés d'une autre guerre, celle que l'on dit d'Indochine.
Il y a cependant dans la parole de Kim Lefèvre quelque chose d'universel et qui peut, qui doit éveiller quelque chose en chacun d'entre nous. Elle révèle sans fausse-pudeur les peurs de son enfance, les émois de son adolescence, les doutes de son âge adulte. Il ne s'agit pas de retrouver seulement dans ses lignes le goût et les saveurs d'un sud lointain mais bien de faire un pas, au fil des pages et à la suite de la narratrice, vers cette quête d'humanité à laquelle il est bon d'essayer de tendre.