
Mais comment contrôler les esprits d'une population qui
pourraient se révéler critiques ? Il suffit d'utiliser au maximum le temps qui
leur servirait normalement à la réflexion, ou tout comme le disait si bien Patrick
Le Lay, ancien PDG de TF1, "ce que nous vendons à
Coca-Cola,
c'est du temps de cerveau humain
disponible". Mais ce temps ne doit pas seulement servir à la publicité, il
faut aller plus loin et l'abrutir le plus possible pour obtenir un peuple qui
soit totalement malléable. Comme le dit Frank, le héros du film, il fallait de
nouveau jeux du cirque, et voilà la télévision qui outre le matraquage publicitaire
offre à voir aux spectateurs des émissions plus bêtes les unes que les autres.
Flatter la bêtise est une preuve d'intelligence, et ceux qui nous
"gouvernent" l'ont bien compris. On reproduit des lynchages de personnes, et
pas besoin de gladiateurs pour cela, la téléréalité ne manquent jamais de
personnes étant prêtes à s'avilir rien que pour un peu de temps d'antenne.
Quant au public, plus besoin d'être dans une arène et de lever ou de baisser le
pouce, ce dernier sert à envoyer des sms qui scellent en quelques secondes
l'existence télévisuelle de tel ou tel candidat.
God
bless America n'est pas le premier
film qui annonce ou montre d'où viennent ces dérives. Il y a eu notamment Le Prix du danger d'Yves Boisset ou Running Man de Paul Michael Glaser qui
sur une même trame prédisaient la possible dérive des jeux télévisés en jeux du
cirque ou être victorieux signifie rester en vie - est-on bien loin de cela
avec des jeux comme Koh-Lanta ? Plus récemment, le film de Georges Clooney Confession d'un homme dangereux montrait
comment un producteur d'émissions télévisées qui a vraiment existé, Chuck
Barris, créa avec le plus profond mépris pour les candidats venant y participer
certains des jeux les plus populaires du petit écran comme The Dating Game (Tournez
manège en version française), et affirma être en même temps un tueur à
gages pour la CIA qui se servait des voyages gagnés par les candidats dans ses
émissions pour aller effectuer ses contrats, en Europe généralement. Mythomane
ou non, cela montre la collusion bien connue, mais en général moins extrême,
tout du moins d'après ce que l'on en sait, entre la télévision et la
manipulation plus directe de la population par les services des états commettant de véritables crimes. Nous avons
eu en France à peu prêt le même cas de personne avec Philippe de Dieuleveult,
animateur de La Chasse au trésor et
qui meurt au Zaïre dans des circonstances qui restent encore troubles. Très probable
agent de la DGSE, les services secrets français, il se serait donc servi de son
émission pour effectuer diverses missions à travers le monde...
Mais bon, revenons à nos moutons, ou
plutôt à nos deux loups qui refusent de hurler avec la meute. Frank et Roxy,
une jeune lycéenne qui le rejoint dans sa croisade forcément impossible
d'élimination des cons, parcourent sans véritable but les routes d'une Amérique
qui, plus qu'en perte de vitesse économique, est en perte dramatique de valeurs,
tout cela et pour ne point se faire remarquer au volant d'une Ford Mustang
jaune canari ! Car ce film, s'il dénonce notamment les dérives de la
téléréalité, ne doit pas être vu au premier degré, et les scènes les plus
sanguinolentes fleurent bon la série triple Z. Le parcours des deux personnages
sert en fait à introduire des moments de dialogues entre eux ou avec des tiers
(collègue de bureau, présentateur télé vicieux, caméra...) qui dénoncent la
bêtise de notre époque. Pourtant, et le personnage de Frank le montre bien, la
limite entre lui et certains cons est parfois bien minime, et sa révolte est la
réponse extrême à une situation où la plupart des gens ne font finalement que
courber l'échine face à des situations qu'ils ne savent plus gérer (comme le
nouveau mari de se femme avec sa propre fille).
Le film prend la connerie par tous les
bouts, montre qu'elle n'épargne aucune classe sociale, et que l'on soit jeune
ou vieux, riche ou pauvre, médecin ou lycéen, quand on est con, on est con
comme le disait le grand Georges (Brassens, pas Clooney, je le signale pour les
cons). Et parler avec un con, à part que par moment cela peut servir de
défouloir, ne peut en rien le changer, outre de donner un peu plus d'eau au
moulin de sa connerie. Comme je l'ai lu un jour sur le tee-shirt d'un loueur de
vélos, "Je ne parle pas aux cons, ça les instruit", je suis bien
d'accord avec lui.