lundi 22 mars 2010

La Piscine, le musée de Roubaix


© P.-O. Lhermite

Connaissez-vous La Piscine de Roubaix. Probablement pas, et pourtant, il s’agit bien d’un des plus beaux musées de France. En effet, le musée s’est installé en lieu et place de l’ancienne piscine municipale au style art déco construite dans les années 1930.

Il est difficile de parler d’une architecture, et pourtant celle-ci vaut le détour. Vous entrez dans la Piscine par un petit couloir où il ne manque qu’un pédiluve, et vous vous retrouvez devant un bassin entouré de statues comme, on imagine, à la période la plus florissante de l’antiquité grecque. Pour y accéder, vous pouvez passer par une des cabines de douches avec vestiaires qui ont été laissées en l’état. Une tête de Neptune crache ses flots dans le bassin central et le bruit constant de l’eau vous rappelle ceux d’autres piscines, quand tout à coup des cris d’enfants, des bruits de jeux et d’éclaboussures raisonnent tout autour de vous. 10 secondes. Puis le calme revient, et vous vous abandonnez à la contemplation du lieu et aux œuvres qui y sont exposées.

© P.-O. Lhermite
Car il ne s’agit pas seulement d’un lieu étonnant est magique et les œuvres qui y sont exposées ne sont pas simplement belles : l’accord entre l’un et les autres crée un effet de correspondance, un double effet de mise en valeur comme ces statues qui viennent se refléter dans l’eau. On passe d’un espace à un autre avec des cloisons aux ouvertures multiples, aux jeux de transparences dans les vitres, le tout éclairé par une lumière douce que déversent les très beaux vitraux situés à chaque extrémité de ce temple dédié à la culture. Peu d’endroits, hormis peut-être les cathédrales gothiques, offrent un tel effet où l’art est sublimé par l’espace et la lumière.

Il est enfin drôle de regarder et d’écouter les gens qui s’y 
promènent, leur étonnement et leur admiration, surtout lorsqu’une dame d’un certain âge se retourne vers ses amis en leur disant : « Quand je pense que c’est là que j’ai appris à nager ! ».

La couleur de l’aube, Yanick Lahens, roman

Au dernier salon du livre de Paris, en mars 2009 donc, je me suis approché du stand des belles éditions Sabine Wespieser. Comme à l’habitude dans ce genre de manifestation, un livre placé en tête de gondole à moult exemplaires, et à une table ronde à côté, une dame discrète, l’auteur sans aucun doute, qui était là pour la séance de signatures. J’ai d’abord saisi un livre dans la pile, et trouvant le résumé intéressant et le titre attirant, La couleur de l’aube, je suis allé vers Yanick Lahens. Nous avons commencé à discuter, elle m’a dit qu’elle était venue exprès pour recevoir un prix. Je la félicitais naïvement car elle m’était parfaitement inconnue. Pour vous aussi peut-être, et pourtant je vous recommande ce très beau livre, qui avant le cataclysme qu’a subi son île, raconte la vie quotidienne, âpre et violente d’une famille, de deux sœurs, Angélique et Joyeuse, qui attendent le retour à la maison de leur jeune frère Fignolé. Par le croisement de leurs monologues intérieurs, par le quotidien de chacune au cours d’une journée à Port-au-Prince, Yanick Lahens peint de manière poétique la terrible réalité haïtienne. Comme le dirait Hugo, elle fait ressortir de la boue des rues sordides de la capitale haïtienne des perles d’humanité.
Un des mes premiers réflexes après le tremblement de terre fut de me renseigner par le biais d’internet sur son état de santé, et je fus rassuré de la savoir toujours vivante. Elle a même écrit une lettre ouverte, et je ne peux m’empêcher de citer ses mots : « Cet événement si éprouvant soit-il n’est pas parvenu à éteindre l’écrivain en moi qui se pose aujourd’hui plus que jamais les questions suivantes: quoi écrire et comment écrire ? (…) écrire ce n’est pas seulement tracer des mots, “il faut être plus fort que soi pour aborder l’écriture, il faut être plus fort que ce qu’on écrit”. J’essaie en ces jours difficiles d’accumuler un peu de cette force pour transcender l’événement et arriver de nouveau vers mes lecteurs avec des mots qui sauront les toucher comme des mains. »

Lien : http://papalagi.blog.lemonde.fr/2010/02/10/comment-ecrire-et-quoi-ecrire-yanick-lahens/#xtor=RSS-32280322

Un bout de chemin avec Mano Solo


Faire un bout de chemin avec Mano Solo, c’est l’entendre par exemple pour la première fois dans un camp militaire. Un appelé, comme nous, un de ces derniers à devoir faire son service, était chargé du bar où, après notre journée de plan Vigipirate, nous venions boire quelques bières. La marmaille nue était son album préféré, et il le mettait souvent en fond musical. Nous, nous étions chargés la journée de surveiller les pylônes d’une centrale électrique alimentant les chaînes de télévision pour la diffusion de la coupe du monde de football. Et le soir c’était Mano qui dans nos oreilles déversait « Au creux de ton bras » pendant que nous, nous levions le coude à la nouvelle journée passée.
Deux ans plus tard, j’ai d’abord rejeté Dehors. Ce cadeau me rappelait probablement trop le temps de ce service qui fut trop long. Et puis je l’ai mis un jour dans ma chaîne hi-fi. C’est probablement l’album que j’ai le plus écouté de tous ceux que je possède. Ensuite ce fut l’impatience du prochain, et il se fit un peu attendre Mano avant de nous offrir Les animals. Les affiches de la très belle pochette d’In the garden annonçant son concert un peu partout dans la ville, sur les « panneaux sucettes » et les arrêts de bus. Je l’aurais au moins vu une fois. Et puis celles de son dernier album dans le métro, de son dernier concert. J’ai eu en cadeau Rentrer au port pour Noël. Le 10 janvier Mano partait.
Je sais que je vais continuer à chercher les chemins de Mano. Déjà, je suis allé prendre un thé aux Enfants rouges, j’ai baguenaudé de la place Clichy à Barbès, je me suis arrêté sur un pont et j’ai regardé le coucher de soleil sur le périph’, et quand je le longe en train, je pense à lui en regardant le canal du Midi. Je sais qu’un de ces quatre j’irais me balader dans d’autres lieux qu’il a chantés. Au fur et à mesure que ma vie avancera, je me promènerai aussi, je le sais, autrement dans ses mots, car il en est ainsi de toute belle écriture poétique, qui telle un phénix, se renouvelle en permanence.